Pourquoi le syndrome de Stockholm embrouille-t-il victimes et juges ?

28 août 2025
Rédigé par Anna

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Le syndrome de Stockholm fascine autant qu’il divise. Comment des personnes victimes d’une prise d’otages ou d’une séquestration développent-elles de la sympathie pour leurs ravisseurs ? Cet article retrace l’origine du terme, décrit ses manifestations, présente des cas emblématiques et examine les critiques scientifiques.

Figure aussi l’impact sur la justice et les médias, ainsi que la comparaison avec le trauma bonding lié aux violences domestiques.

Origine — siège bancaire de 1973

Un terme proposé par Nils Bejerot

Le terme « syndrome de Stockholm » a été proposé par Nils Bejerot après une prise d’otages dans une banque de Stockholm en 1973. Durant le siège, certains otages exprimèrent de la sympathie pour leurs preneurs d’otages et une défiance envers la police. Ce paradoxe frappa les esprits et installa l’idée d’un mécanisme psychologique lié à la survie.

Le nom resta, relayé par les récits médiatiques et l’intérêt du grand public.

La culture populaire et la diffusion

Dès les années 1970, le phénomène trouva un écho dans les médias, les films et les séries. Ce cadrage popularisa l’expression au-delà du champ clinique. Le syndrome de Stockholm devint une métaphore utilisée pour commenter des situations de pouvoir asymétrique bien plus larges que les prises d’otages.

Cette diffusion nourrit aussi des critiques sur la portée scientifique du concept.

Signes observables et explications

Sympathie et empathie paradoxales

Sur le plan clinique, des sentiments d’empathie et de proximité apparaissent envers le ravisseur. Les victimes peuvent parfois justifier certains actes ou défendre publiquement leur ravisseur. L’observateur extérieur perçoit un renversement de loyauté, tandis que la personne concernée considère ces liens comme rationnels face à la menace.

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L’enjeu immédiat concerne la survie psychologique et physique.

Mécanismes de défense et adaptation

Les psychologues décrivent des mécanismes de défense : atténuation de la peur, recherche de contrôle, et identification partielle à la source du danger. En situation de dépendance, reconnaître une « part humaine » chez l’assaillant réduit l’imprévisibilité perçue. Il s’agit d’une réponse contextuelle plutôt que d’une adhésion au crime.

Ces réactions traduisent une réaction face à un stress extrême.

Limites du concept

Le syndrome de Stockholm n’explique pas l’intégralité du vécu des victimes. Il n’offre pas de mesure fiable de la contrainte ni de l’ampleur du traumatisme. Il n’indique pas, seul, la responsabilité pénale ni les dynamiques structurelles de violence.

Ce concept constitue un prisme parmi d’autres, utile si son emploi reste prudent.

Cas célèbres et narrations médiatiques

Le cas Patty Hearst (1974)

L’enlèvement de Patty Hearst en 1974, suivi de sa participation apparente à des actions criminelles aux côtés de ses ravisseurs, devint un cas d’école. Les commentateurs invoquèrent fréquemment le syndrome de Stockholm pour tenter d’expliquer ce basculement. Ce récit, largement relayé par les médias, illustre la tentation d’une explication unique face à des trajectoires individuelles complexes.

Autres prises d’otages et effets médiatiques

Lors de diverses prises d’otages, certains otages témoignèrent d’une compréhension envers leurs agresseurs, surtout lorsque ceux-ci posèrent des gestes perçus comme protecteurs. Ce détail, mis en avant par la presse, favorisa une narration binaire qui assimile automatiquement l’empathie au syndrome de Stockholm. En réalité, chaque affaire comporte des variables situationnelles, des menaces implicites et des liens de dépendance multiples.

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Prudence face aux raccourcis

La tentation d’apposer l’étiquette « Stockholm » existe dès qu’une victime s’écarte des attentes sociales. Les comportements en contexte extrême échappent aux jugements rapides. L’interprétation demande du contexte, du temps et une écoute clinique qualifiée.

Discipline requise : humilité.

Controverses scientifiques et enjeux sociaux

Validité et limites méthodologiques

Des experts contestent la solidité empirique du concept, parfois présenté comme un « concept construit » plutôt que comme un diagnostic stabilisé. Les critères restent flous, la prévalence incertaine et les données comparatives limitées. Cette fragilité méthodologique recommande un usage parcimonieux : utile pour penser, insuffisant pour conclure.

Genre, pouvoir et parole des victimes

L’étiquette « Stockholm » a parfois servi à décrédibiliser la parole de victimes, notamment des femmes, dans des affaires d’abus domestique. Le glissement transforme l’analyse de la contrainte en une mise en doute du jugement des victimes. Question centrale : qui définit la « réaction normale » d’une victime, et avec quel pouvoir symbolique ?

Les mots choisis produisent des effets concrets.

Instrument politique et ses limites

Certaines critiques signalent que l’invocation du syndrome de Stockholm peut détourner l’attention des responsabilités plus larges, par exemple institutionnelles. Affirmer « c’est le syndrome » risque de masquer la gestion d’une crise ou les conditions ayant rendu la violence possible. Ce constat n’invalide pas l’utilité du concept ; il impose de croiser les analyses avec une étude des causes.

Justice, médias et comparaisons pratiques

Usage en justice et en négociation

En matière judiciaire, le syndrome de Stockholm sert parfois à éclairer des comportements qui surprennent : absence de fuite, déclarations ambiguës ou contact ultérieur avec le ravisseur. Ce facteur peut influer sur la perception de la responsabilité, sans la déterminer automatiquement. Lors de négociations de prise d’otages, repérer des dynamiques d’attachement oriente la communication sans remplacer une évaluation clinique rigoureuse.

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La prudence guide ces usages.

Trauma bonding et violences domestiques

Le trauma bonding décrit des liens nés de l’alternance de violence et de réconfort au sein d’un cycle de contrôle et de dépendance. Les mécanismes présentent des similitudes : peur, isolement et intermittence de gestes positifs qui renforcent l’attachement. Différence majeure : le contexte.

Le trauma bonding prend souvent place sur la durée et dans l’intimité ; le syndrome de Stockholm renvoie principalement aux situations d’otages. Les deux notions éclairent des dynamiques d’emprise sans se confondre.

Clés pour en parler sans simplifier

  • ✅ Chercher le contexte : durée, menaces, dépendance matérielle et émotionnelle.
  • Éviter l’étiquetage automatique : une posture d’empathie n’efface ni la contrainte ni le traumatisme.
  • ➡️ Se rappeler que les mécanismes d’adaptation ne valent pas des consentements : ils traduisent d’abord une volonté de survie.

Le syndrome de Stockholm invite à observer la psychologie humaine en situation de contrainte. Bien utilisé, il offre un cadre pour comprendre des comportements apparemment paradoxaux, notamment lors de prises d’otages. Mal employé, il devient une étiquette qui simplifie, politise et parfois rend invisibles les paroles des victimes.

Traiter ce concept comme une hypothèse de travail, à mettre en regard du trauma bonding et des faits établis, améliore la qualité des analyses. Et vous, comment distinguez-vous, dans vos lectures et vos échanges, entre un récit médiatique séduisant et une explication véritablement éclairante ?

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