Le cannabis pour boire moins : bonne ou mauvaise idée ?

27 novembre 2025
Rédigé par Anna

Curieuse, bienveillante et à l’écoute, j'aime partager des contenus accessibles, documentés et inspirants pour aider chacun à mieux comprendre son corps, son esprit, et les liens qui les unissent. 

De plus en plus de personnes adoptent une approche de « Sobriété à la californienne », une sobriété flexible où l’alcool est remplacé par le cannabis. L’idée sous-jacente est simple : substituer un mal connu par un mal supposément moindre. Mais cette stratégie est-elle vraiment efficace et sans risque ?

Une nouvelle étude scientifique remet en question les idées reçues, suggérant que, sous conditions contrôlées, la consommation de cannabis pourrait aider à diminuer la consommation d’alcool. Cette piste est intrigante, mais soulève autant d’interrogations qu’elle n’apporte de réponses. Il est donc nécessaire de décortiquer ce que dit réellement la science, d’explorer les limites de cette découverte et de peser le pour et le contre de cette tendance.

Le laboratoire : quand le cannabis freine l’alcool

Pour appréhender cette nouvelle perspective, il importe d’examiner une expérience rigoureuse menée par des chercheurs de l’Université Brown. Loin des approximations, ils ont voulu mesurer concrètement l’impact du cannabis sur l’envie de boire de l’alcool dans un environnement aussi réaliste que possible.

L’expérience : un bar simulé au banc d’essai

Les scientifiques ont recréé un véritable bar en laboratoire, avec ses lumières tamisées, son comptoir et sa sélection de boissons. Ils ont ensuite invité 138 participants, tous consommateurs réguliers de cannabis et d’alcool, à y passer du temps. Avant de pénétrer ce bar simulé, chaque participant fumait un joint.

La subtilité résidait dans la composition de ce dernier :

  • Certains recevaient un placebo (sans THC, la principale substance psychoactive du cannabis).
  • D’autres un joint à faible teneur en THC.
  • Un troisième groupe un joint à plus forte concentration en THC.

Une fois dans le bar, ils avaient la liberté de consommer jusqu’à huit mini-boissons alcoolisées de leur choix sur une période de deux heures. Pour les motiver à la modération, chaque boisson non consommée leur rapportait une petite somme d’argent.

A lire aussi :  TDAH adulte : et si ce n'était pas de la paresse ?

Les chiffres parlent : une baisse significative de consommation

Les conclusions de cette expérience sont assez frappantes. Les participants ayant fumé le joint le plus dosé en THC ont consommé en moyenne 27 % d’alcool en moins que ceux ayant reçu le placebo. Le groupe avec le joint à faible teneur en THC a également vu sa consommation diminuer, mais de manière moins prononcée, avec une baisse de 19 %.

Ces chiffres révèlent un effet direct et mesurable : dans ce contexte précis, le cannabis semble bien agir comme un frein à la consommation d’alcool. C’est une première étape primordiale qui donne une base scientifique à ce qui n’était jusqu’alors qu’une intuition pour certains.

Envie d’alcool : le cannabis retarde-t-il l’appel ?

Au-delà de la quantité, l’étude a également observé un changement de comportement. Les personnes ayant consommé le cannabis le plus puissant ont attendu en moyenne 11 minutes de plus avant de prendre leur premier verre. Ceci suggère que le cannabis pourrait non seulement réduire la consommation totale, mais aussi retarder l’envie initiale de boire.

Cependant, les résultats concernant les « cravings » (les envies irrépressibles) sont plus mitigés. Si le THC semblait diminuer l’envie de boire juste après avoir fumé, cet effet s’estompait lorsque les participants étaient confrontés à des signaux visuels, comme la vue de leur boisson préférée.

Du labo à la rue : les défis de la transposition

Aussi prometteurs que soient ces résultats, les experts, y compris les auteurs de l’étude, appellent à la plus grande prudence. Transposer les conclusions d’une expérience en laboratoire au chaos de la vie quotidienne est un exercice périlleux, et plusieurs facteurs déterminants doivent être pris en compte.

A lire aussi :  Heure d'hiver : préparer corps et esprit en douceur

Les limites du cadre contrôlé

Un laboratoire, même déguisé en bar, n’est pas la vie réelle. Notre consommation d’alcool est influencée par une multitude de facteurs : le stress après une longue journée, la pression sociale lors d’une soirée entre amis, ou simplement l’habitude ancrée dans notre routine.

L’étude ne peut pas nous dire si le cannabis aurait le même effet modérateur dans ces situations complexes. Comme le souligne Jane Metrik, l’auteure principale de l’étude, des recherches à long terme sont essentielles avant de tirer la moindre conclusion pour la santé publique.

Co-consommation : le danger du mélange

Voici un point essentiel : en dehors du laboratoire, les études observationnelles montrent souvent un tableau bien différent. La co-consommation de cannabis et d’alcool est fréquemment associée à des résultats négatifs :

  • Une consommation d’alcool plus importante.
  • Une conduite sous influence plus risquée.
  • Une intoxication générale plus forte.

Ce paradoxe suggère que la relation entre ces deux substances est loin d’être simple. Alors que le cannabis pourrait freiner l’alcool à un instant précis, leur usage combiné sur le long terme pourrait en réalité aggraver les comportements à risque.

« Sobriété à la californienne » : une fausse bonne idée ?

Cette étude alimente le débat concernant la « Sobriété à la californienne ». Cette approche est-elle une stratégie de réduction des risques intelligente ou une manière de se voiler la face ?

Le mythe du « moindre mal »

L’argument principal des adeptes de la « Sobriété à la californienne » repose sur une comparaison des risques. Les méfaits de l’alcool sont largement documentés, avec près de 178 000 décès liés à sa surconsommation chaque année aux États-Unis. Face à ce constat, le cannabis peut apparaître comme une alternative moins dangereuse.

A lire aussi :  Le cannabis améliore-t-il vraiment votre sommeil en cas d’insomnie persistante ?

Toutefois, les professionnels de la santé avertissent qu’il ne faut pas interpréter ces résultats comme un chèque en blanc pour le cannabis. Substituer une substance psychoactive par une autre n’est pas anodin et comporte ses propres risques, notamment celui de développer un trouble de l’usage du cannabis.

« Sobriété à la californienne » : un flou risqué pour la dépendance

Le docteur George Singletary, expert en médecine de l’addiction, souligne que le terme « Sobriété à la californienne » est extrêmement vague. Il peut aussi bien décrire une personne qui consomme une boisson à faible teneur en THC par jour qu’un individu qui fume plusieurs joints à haute puissance quotidiennement.

Cette ambiguïté peut être dangereuse, car elle risque de masquer une véritable dépendance au cannabis sous le couvert d’un choix de vie prétendument plus sain. La sobriété, dans sa définition classique, implique l’abstinence de toutes les substances altérant l’esprit.

Que retenir de cette analyse ? L’étude nous offre une nouvelle perspective intrigante : oui, dans des conditions très spécifiques, le cannabis semble pouvoir aider à réduire la consommation d’alcool. C’est une avancée scientifique qui mérite d’être explorée plus en profondeur.

Cependant, il est absolument prématuré et potentiellement risqué de recommander cette méthode comme une solution miracle. La science est encore à ses balbutiements, et la vie réelle est bien plus complexe qu’un laboratoire. Pour l’heure, la substitution d’une substance par une autre demeure une démarche personnelle qui doit être envisagée avec une grande honnêteté envers soi-même et, idéalement, avec l’accompagnement d’un professionnel de santé.

Et vous, quel est votre avis sur cette approche ? Pensez-vous qu’une substance peut réellement en remplacer une autre sans risque ?

Laisser un commentaire